L’expédition …l’histoire !
En arrivant au Canada, nous ne pensions pas que la principale difficulté serait de rejoindre le camp de base situé sur le glacier Quintino Sella à 2800m d’altitude. 10 jours, 10 jours pour que toute l’équipe mette les pieds ou plutôt les skis sur l’un des plus grands glaciers du monde.
Remontons un peu le temps … Nous sommes 7 à partir de l’aéroport de Roissy ou Genève le mercredi 18 mai afin de rejoindre White Horse, la capitale canadienne du Yukon via Francfort. Accolée à l’Alaska, cette province d’une superficie proche de la France, a une population de 65000 habitants. Ici, nous avons plus de chance de croiser un caribou ou un ours brun.
Les Erics, Daniel, Guillaume, Lothar et Patrick accompagnés du guide de haute montagne, Mickael, n’ont qu’un seul but, gravir le sommet du Canada, le Mont LOGAN. Mais pour cela, il faut d’abord rejoindre le camp de base et donc le glacier de Quintino Sella.
Il nous faut une demi-journée et un gros monospace pour relier White Horse au village de Haine Junction et l’aérodrome de Kluane Lake, via l’Alaska Highway (la route la plus australe de l’hémisphère Nord).
Sur la piste de décollage, un seul avion est présent et c’est lui seul qui en 1 heure de vol nous transportera au point de départ de notre expédition d’alpinisme. Pas d’autre solution, ni route, ni chemin, ni habitation, ni vie … nous sommes au cœur d’une des plus grandes régions polaires inhabitées, composée du Kluane Parc côté canadien et Wrangell – St Elias national Park côté Alaska.
L’avion ne peut prendre que 3 passagers avec le matériel. 4 rotations de 2 heures sont nécessaires pour nous transporter ainsi que notre matériel et lorsque la pluie, le brouillard et les nuages bas recouvrent l’aérodrome, l’avion ne peut pas décoller. Alors nous attendons…et même si le ciel bleu inonde l’aérodrome, il peut neiger sur le camp de base situé à 180km à vol d’avion.
Parfois, en cours de vol, nous avons du rebrousser chemin. Ce n’est qu’à la 3
ème tentative que certains d’entre nous ont pu atterrir sur le glacier.
Enfin nous voilà à pied d’œuvre au camp de base et nous regardons repartir l’avion, nous sommes vraiment seuls … Notre première action, installer les tentes pour notre première nuit sur glacier.
Nous évoluons skis aux pieds, un sac entre 20 et 30 kg sur le dos et une luge appelée pulka chargée jusqu’à 50kg que nous trainons sur la neige. C’est lourd et nous évoluons lentement pour rejoindre 10km plus loin et 400m plus haut le camp1. Nous prenons conscience de notre petitesse sur ce glacier démesuré et pourtant nous devrons atteindre son extrémité si nous voulons atteindre la cime du Mont Logan.

Les pentes de neige sont modérées mais pourtant le danger est omniprésent. Des crevasses énormes parsèment notre parcours et nous obligent à nous encorder.
En 2 jours, nous arrivons au King col, à l’altitude de 4000m où nous installons le camp2. Après avoir installé les tentes, nous devons faire fondre la neige pour obtenir de l’eau : chaque soir et matin c’est entre 2 et 3 heures de fonctionnement du réchaud à essence. C’est cette eau chaude qui va nous permettre de boire du thé et de réhydrater nos plats lyophilisés. Pour le groupe, nous avons amené avec nous 100 litres d’essence, précieuse à notre survie car, sans elle, nous ne pourrions ni boire ni manger.
Le temps se couvre et pendant la nuit le thermomètre indique -10°C dans la tente. Il fait doux …
Camp 2 à 4000m. Aujourd’hui, nous nous préparons pour effectuer un portage de matériel au camp supérieur. Le ciel est couvert et des séracs nous barrent le chemin. Les pentes sont raides à ski et c’est dans le brouillard que nous croisons une expédition norvégienne qui fuit le mauvais temps pour se réfugier au camp 2.
C’est 25kg au minimum par sac à dos et par personne et la progression devient difficile avec la neige qui tombe. Arrivés au camp 3 à 4800m, nous enfouissons carburant et nourriture au fond d’un grand trou à neige que nous repérons grâce à un grand fanion en bambou. En montant, nous avons parsemé le parcours de ces fameux fanions et en redescendant au camp 2 dans le brouillard à travers les séracs, nous sommes bien contents de les suivre. Enfin le camp 2, la tente et notre sac de couchage … nous sommes au chaud alors que dehors la tempête sévit.
Ce matin, grand beau. Nous partons du camp 2 en laissant une cache de nourriture et de carburant en cas de repli par mauvais temps. Nous découvrons sous le soleil ce fameux passage dans les séracs. Petits nous sommes, et petits nous resterons face à la nature. Le camp 3, puis le lendemain toujours en laissant un dépôt de secours, nous montons vers le camp 4 à 5300m après avoir franchi le Prospector col à 5600m.
Le vent nous accueille sur ce magnifique plateau où nous dominons tous les sommets avoisinants. Nous installons notre camp sur le terrain de football. Drôle de nom pour cette étendue glacière recouverte de neige soufflée appelée straturgi !
Une bonne nuit à 5300m et nous sommes partis pour le sommet Ouest du Mont Logan. La vue est imprenable …mais le souffle est court. Les doudounes sont les bienvenues pour lutter contre le froid et nous évoluons lentement.
La pente devient de plus en plus raide. Nous laissons les skis, chaussons les crampons et nous remplaçons les bâtons de ski par le piolet.
Un mur de glace à franchir, quelques marches à tailler avec le piolet et enfin nous sommes au sommet ! les Erics, Patrick, Guillaume, Mickael et Lothar ont mis le pied ou plutôt les crampons devrons nous dire, sur le Mont Logan 5925m le 1
er juin 2011 à 13h37 (22h37 en France). Mais peu de temps pour apprécier la vue, quelques photos et nous entamons la descente. Les débuts sont délicats et nous restons vigilants.
Enfin, nous récupérons nos skis et c’est parti pour une des plus grandes descentes à ski du monde : point de départ 5800m. La neige est croutée, cartonnée et quelques chutes émaillent nos premiers virages. Ensuite, cela se corse : nous devons récupérer notre matériel, tentes, réchauds, sacs de couchage, carburant, nourriture. Nous sommes de plus en plus chargés au fur et à mesure que nous descendons. Notre style de ski n’est plus celui d’un moniteur de ski mais nous avons des excuses avec le lourd sac à dos, la pulka et les crevasses à éviter. A peine 1 jour et demi sont nécessaires pour rejoindre le camp de base et 4 jours d’attente avant que l’avion puisse nous récupérer du camp de base… 4 jours à dormir, cuisiner et à regarder le ciel en espérant l’arrivée d’un hypothétique avion.
